J'adore la mode mais c'est tout ce que je déteste - Pépiements
de Loïc Prigent

critiqué par AmauryWatremez, le 23 janvier 2017
(Evreux - 55 ans)


La note:  étoiles
La vacherie comme art de vivre
Alors oui, certes oui, la mode est un monde pourri par l'argent, un monde de frivolité d'où toute idée du réel est absente. Il est toujours possible, et facile, de moraliser la mode sans trop réfléchir. « La gravité est le bonheur des imbéciles disait un sage, ils ne saisissent pas que la futilité est indispensable. Pourquoi se laisser aller à l'esprit de sérieux contre la haine, la violence, la sottise ? Autant faire comme si tout cela passait, tout cela lassait, que nos grandes déclarations, nos belles attitudes n'ont aucune prise contre les fléaux sus-cités. La bêtise à « front de taureau » existera tant qu'il y aura des hommes car « là où il y a de l'homme il y a de l'hommerie »



Autant vivre donc en essayant de demeurer léger, en faisant comme si rien n'avait vraiment d'importance hormis vivre et ressentir tout simplement. Et finalement dans ce microcosme de la mode tout le monde en est conscient, tout le monde sait très bien ce qu'il en est sur la profondeur du métier, sur la durabilité de la célébrité, d'une fortune, d'une notoriété. Personne n'ignore non plus que ce sont surtout des princesses pétro-dollarées, des héritières coréennes et russes vulgaires qui porteront les créations des grands couturiers.



Et que sur elles ça fera vraiment très moche. Encore plus que certaines créations par trop fantaisistes déjà...



Loïc Prigent durant plusieurs « fashion week », depuis des années, recueille les petites phrases des créatrices et créateurs, de leurs assistants méprisés, et parfois traités en esclaves -consentants- de leurs « petites mains, des « people », des types de la « sécurité ». Toutes ces mots d'esprit, toutes ces vacheries qui paraissent être un véritable art de vivre pour les « modeux », étaient « coupées » au montage, on ne les entendait jamais. Le téléspectateur aurait pris ça pour du mépris pour lui et le « vulgum pecus ». Ce milieu de la mode n'a pas besoin qu'on le lui dise, il a tout à fait conscience de vivre dans une bulle, voire « une bulle de bulle », de champagne ?, ainsi qu'une des brèves de défilé de Loïc Prigent l'énonce.


Certains bons apôtres se choqueront sans doute de ce qu'ils pourront lire dans ce livre. A une époque où tant de gens meurent de faim ma « pauv'dame », « si c'est pas malheureux de se soucier des ces futilités alors que la guerre menace à nos portes » ad lib ....



La morale commune y est il est vrai pour le moins malmenée ou les bonnes intentions, ou la sensiblerie à la mode dans notre société. Les « modeux » n'hésitent pas à être caustiques ou sarcastiques, à dire du mal sans remords, tomber en pâmoison ou feindre de s'exalter pour pas grand-chose. Ils ne reculent jamais devant un bon mot, c'est leur principal qualité. J'ai souvent pensé aux deux personnages d'« Absolutely Fabulous », Patsy qui n'a rien mangé de solide depuis quinze ans et Edina, « relations presse » depuis vingt ans sans que l'on ne sache vraiment en quoi consiste le job, et aussi à « Bubble » l'assistante d'Edie, azimutée mais pas tant que ça puisque l'on apprendra qu'elle a acheté tout un domaine immobilier dans le Sud de la France et qu'elle est beaucoup plus prévoyante que sa patronne écervelée. Les « modeux » du livre de Loïc Prigent pratiquent tous cet « understament » « tongue in cheek » tellement britannique. En Grande Bretagne, il faut dire que c'est un « sixième sens » inné que celui de la dérision. En France, si on ne l'a pas naturellement, il est beaucoup plus difficile à cultiver. Dans notre pays on a tendance à se prendre un peu trop au sérieux.