Arundhati
avatar 08/12/2005 @ 07:26:06
Nous aurions dû rejoindre la France l'avant-veille déjà, mais la météo exécrable nous avait gardés cloués au port. Et en ce vingt-quatre décembre nous faisions une nouvelle tentative. Nous avions modifié notre feuille de route qui devait en principe nous faire faire escale à Jersey, et avions décidé de mettre le cap directement sur Saint-Malo, terme de notre périple.
Le vent annoncé était encore un peu trop violent au goût de tout le monde, un bon force six, mais la mer s'était calmée et nous espérions encore pouvoir passer chacun le réveillon en famille. Notre bateau était en très bon état, presque neuf, et même s'il était davantage taillé pour la croisière que pour la régate, il avait un comportement sain et des performances honorables. C'était un sloop des plus classiques et si la voilure était sous-dimensionnée comme sur la plupart des bateaux de location, cela suffisait largement vu les conditions de vent.
La nuit était encore noire quand avons quitté Guernesey. Nous avions bien dix à douze heures de trajet et la navigation était un vrai casse-tête. Philippe, le skipper, avait préparé la route minutieusement, tenant compte des marées et des courants, qui dans cette région ont des amplitudes et des vitesses exceptionnelles. Il avait même installé un système ingénieux avec un bout qui reliait les deux pataras et nous permettait de les tendre au maximum pour avoir un meilleur rendement au près.
A peine sortis du port de St Peter, nous avons immédiatement compris que la partie allait être rude : nous ne pouvions sortir le foc, et même avec deux ris dans la grand voile les manœuvres étaient difficiles. Notre route faisait quasiment face au vent et nous virions de bord très souvent, à vrai dire pas toujours intentionnellement quand un creux un peu plus prononcé nous prenait par le travers et nous faisait jouer les culbutos. L'anémomètre donnait en réalité un bon force sept.
Au bout de cinq heures, nous arrivions à peine au large de l'île de Sark. Nous avions déjà remis le moteur en pleine marche pour essayer de contrer le courant qui se faisait de plus en plus fort avec la marée qui jouait les siphons entre la baie du Mont Saint Michel, Jersey et le plateau des Minquiers. Et pendant une heure et quart, moteur à fond, voile bordée au mieux, nous avons observé le château de Sark qui ne bougeait pas d'un poil. Nous faisions du surplace, même si le tachymètre nous donnait une vitesse de six noeuds : nous avions en fait six noeuds de courant dans le nez et il s'en fallait de peu pour que nous ne reculions.
Philippe prit alors la décision de faire demi-tour, nous n'arriverions jamais sur le plateau des Minquiers avant que la marée ne redescende et s'aventurer sur cette zone de hauts-fonds à marée basse avec de telles conditions était suicidaire. Quant à le contourner, inutile d'y songer, nous n'aurions jamais pu remonter face à ce vent d'est vers Saint-Malo.
Nous savions tous ce que cela signifiait, nous allions devoir passer le réveillon à Guernesey et cela n'enchantait personne. A part moi peut-être, personne ne m'attendait et au moins j'étais certain de ne pas être seul ce soir-là.
Le retour fut mouvementé. Nous allions maintenant plein vent arrière et bien qu'ayant entièrement affalé la grand voile, notre allure n'était pas confortable. Nous n'avions sorti qu'un petit tiers du génois à enrouleur et malgré cela quand la houle nous rattrapait nous manquions d'empanner à chaque instant.
Ce qui est sûr, c’est que nous n'avons pas mis longtemps pour rejoindre St-Peter. A peine trois-quarts d'heure de surf sur la courte houle et nous étions déjà à la manœuvre pour reprendre notre place au port. Pas un bateau d'ailleurs n'avait bougé. A notre arrivée, quelques marins sortirent d'un pub pour nous aider à amarrer ; nous nous sentions un peu honteux de revenir ainsi vaincus, mais en vieux habitués de la mer ils semblaient nous trouver sages d'avoir renoncé plutôt qu'inconscients d'avoir essayé.
Une fois les aussières réglées et les pare-battage mis en place, nous nous sommes réunis tout naturellement dans le cockpit pour faire le point sur notre situation. Même si personne ne montra ouvertement son énervement, on sentait que la tension déjà présente avant notre départ du matin était montée d'un cran.
Notre petit groupe réuni pour l'occasion était hétérogène, même Philippe qui avait organisé le voyage ne connaissait pas tout le monde, et on commençait à voir que la courtoise indifférence qui avait présidé aux relations jusqu'à présent se transformait soudain avec les circonstances en un agacement à peine masqué. Il y avait les adeptes du "on aurait dû", ceux du "il fallait le dire avant", bref nous étions trempés, fatigués de s'être fait tabasser par la navigation au près qui faisait taper violemment le voilier sur chaque lame, déçus de se retrouver coincés pour Noël sur Guernesey. Le fait d'avoir été précédés en cela par le grand Victor ne consolait personne. Moi, je faisais mon possible pour avoir l'air aussi découragé que les autres, mais je me réjouissais en réalité que nous n'ayons pas pu passer.
Philippe, avec sa diplomatie et sa douceur habituelle, repris assez vite les choses en main et chacun eut tôt fait une tâche à accomplir. Douglas et Marie se proposèrent pour aller faire quelques courses sur Market Square et l'atmosphère s'adoucit déjà : avec ces deux là, on était sûr au moins qu'ils sauraient dénicher de quoi nous faire un repas de réveillon correct, voire si Douglas était en forme, un repas de fête exceptionnel.
Douglas était un drôle de gars, un vrai marin, et à le voir à la manœuvre on ne doutait pas qu'il aurait tout à fait été capable de remplacer Philippe si le besoin s'en était fait sentir. Il avait l'air un peu gauche comme ça, une sorte de nounours débonnaire et taiseux, mais impressionnant d'habileté et de force physique. Quand nous peinions à deux sur un winch, il nous remplaçait et d'une seule main faisait une dizaine de tours en quelques secondes. Quelqu'un l'avait même surnommé "Hulk" mais personne n'avait osé renchérir et le surnom n'avait pas pris.
Quand ils revinrent, c'était évidemment lui qui portait tous les sacs, Marie trottinant à ses côtés pour suivre, péniblement, l'allure de ses grandes enjambées. Sous son poids, le cat-way s'enfonça de quarante centimètres mais cela le déstabilisa à peine et il ne ralentit même pas.
Tout le monde ne pouvait participer à la préparation du repas, on se serait bousculé à dix dans le carré, et nous avons laissé Douglas, Marie et Renée, s'occuper de tout. Renée, notre "reine du piano", cuisinière de formation savait transformer tout ce qui était sensé être à peu près comestible en plat de fête.
Les autres sont donc montés dans le cockpit pour faire de la place et nous avons commencé à piocher dans la caisse de bières histoire de passer le temps et de faire venir l'appétit. Les mousses avaient été secouées par notre traversée avortée et il fallait être prudent en les ouvrant. Le seul à ne pas faire gaffe, ce fut moi évidemment, et un bon quart de ma bière s'échappa sur mon jean tout propre. Je fus le seul à ne pas trouver ça drôle et c'eut au moins l'effet de radoucir l'ambiance ; tout le monde semblait enfin prêt à faire contre mauvaise fortune bon cœur et à accepter de passer une nuit de plus dans le port de St Peter, fut-ce la nuit du réveillon de Noël.
A dix-neuf heures, tout était en route, le four avait chauffé le carré et il faisait suffisamment bon pour que nous ôtions nos pulls quand nous nous sommes tous installés, nous serrant autour de la table pour, dans un premier temps, un deuxième apéritif.
Le repas fut à la hauteur de l'événement, Renée avait réussi à nous concocter des lasagnes un peu étranges, à base de chair à saucisse, mêlant viande de porc et d'agneau, et de pâtes aux épinards. C'était délicieux en tout cas, et le Bandol rouge que Douglas avait miraculeusement dégotté dans la petite épicerie n'avait que le tort de se limiter à six bouteilles.
A la fin du repas, c'était comme si nous étions de vieux amis d'enfance, aux crises de fou rire se disputaient les claques dans le dos. Nous avions chaud, étions tous un peu gris et pourtant avions aussi tous les joues rouges et les yeux trop brillants. Seul Douglas, bien entendu, riait moins fort que les autres, ne racontait pas d'histoire, mais il souriait sans cesse et c'était déjà ça.
Contre toute attente, ce fut même Jean-Patrick qui sortit le rhum et le citron vert après qu'on eut débarrassé la table. Lui qu'on trouvait un peu coincé, avec ses principes et sa morale rigoureuse, lui qui faisait le nez à la moindre blague un peu verte d'habitude, était déchaîné. Moi du rhum, je n'en buvais jamais. Mais là, sur ce bateau, je trouvai que c'était le plus doux et le plus fabuleux breuvage qu'on pouvait imaginer. Bien sûr, c'était du Trois Rivières, d'ailleurs Philippe ne tolérait rien d'autre à bord, mais sans doute cela ne faisait pas tout.
Le ti'punch devait nous rendre philosophes parce que Dieu sait pourquoi la conversation a pris de la hauteur au fur et à mesure que nous nous brûlions les lèvres sur les petits verres à liqueur. Il y eut quelques envolées, sur la vie, sur la mort mais c'est sur le bonheur que la discussion si fît la plus animée. Il avait ses partisans, ceux qui y "croyaient", et, ses détracteurs, ceux qui pensaient qu'il n'existait pas, que c'était une invention des faibles pour essayer de supporter la vie.
Tout le monde était d'accord en tout cas pour dire qu'il était à peu près impossible d'être heureux et d'en avoir conscience en même temps. Tout au plus pouvait-on se souvenir d'avoir été heureux.
Douglas, qui n'avait pour ainsi dire ouvert la bouche jusque là, pris la parole à la surprise générale.
"Moi je ne suis pas d'accord, le bonheur ça existe, et ça peut-être tellement fort que ça fait mal."
Personne n'osa sourire, c'était Douglas, et Renée l'invita à poursuivre. Nous nous attendions à ce qu'il s'arrête là, mais il reprit de sa voix grave et un peu hésitante.
"Ca m'est arrivé une fois. C'était un soir de Noël, comme celui-ci, et on était devant la télé. On écoutait un concert, c'était en direct de Berlin, je crois. La "Symphonie Pastorale", je m'en souviens parce que la même année j'avais vu un film, "Soleil vert", où il y avait cette musique et j'avais trouvé ça tellement beau que je voulais l'écouter encore ce soir là.
Ma fille, elle trouvait pas ça génial, il était tard déjà, alors j'ai essayé de lui raconter ce qu'il y avait dans le film sur cette musique, les paysages de forêt, les animaux et ce vieil homme qui trouvait ça si beau parce que les animaux n'existaient plus.
J'ai brodé un peu, parce que je ne me souvenais pas de tout et elle a fini par s'endormir. Elle était à moitié couchée sur moi, sa tête dans le creux de mon épaule, la main posée sur mon bras.
Moi, je la regardais dormir, j'avais le bras engourdi, mais je ne voulais surtout pas la réveiller. Je sais pas pourquoi, je me suis dit que c'était ça le bonheur et qu'il fallait que j'en profite, que bientôt elle serait grande et qu'elle ne viendrait plus jamais dormir contre moi. Et pendant que je me le disais, je sentais que mon bonheur grossissait encore, et qu'il était presque douloureux. Quand c'est devenu vraiment insoutenable, j'ai soulevé sa tête, j'ai dégagé mon bras tout doucement et je l'ai couverte pour qu'elle ne prenne pas froid. Je me suis fait un thé et je suis retourné m'asseoir un peu plus loin. J'étais plus calme, c'était plus facile, mais j'étais encore un peu secoué. Enfin, depuis je sais que le bonheur ça existe, c'est pas souvent mais quand ça arrive, ça peut-être sacrément fort."
On est tous restés un peu stupides quand il a eu fini. En plus, les douze coups de minuit ont aussitôt résonné depuis Town Church. Même Philippe qui connaissait Douglas depuis longtemps semblait ébahi. Comme nous, sans doute, ne l'avait-il jamais entendu aligner deux phrases à la suite. Personne ne savait que Douglas avait une fille, ni ce qu'elle était devenue. Peut-être étaient-ils fâchés, peut-être vivait-elle à l'autre bout de la terre, peut-être encore était-elle décédée, qui sait. Personne n'osa lui poser de question et le silence de quelques secondes qui perdura après le dernier coup de cloche était étrange, l'ombre de la fille de Douglas semblait nous avoir tous traversés et flotter encore dans le carré où on percevait plus que les tintements des drisses contre le mât.
La soirée s’est prolongée fort tard, les paroles se sont accordées à la nuit, plus douces, plus discrètes, et les verres de rhum se vidaient plus lentement, comme pour retarder la venue du jour.
Quand Philippe a donné l'exemple en regagnant sa couchette, l'Est commençait à s'éclaircir. Tout le monde a suivi, quelques paroles encore ont été échangées pour se souhaiter à nouveau un joyeux Noël, et les sacs à viande se sont remplis.
Moi je suis remonté sur le pont fumer une dernière cigarette, les pieds nus. Il ne faisait pas si froid, le vent était tombé et je me suis assis contre le mât. Le soleil se levait et découvrait la petite île de Herm, juste en face. Même s’il n’y avait personne contre moi, je comprenais presque ce qu'avait pu ressentir Douglas. Je n'en demandais pas plus.

Mentor 08/12/2005 @ 08:39:20
Original ton "conte de Noël"!
Ma première remarque est que c'est drôlement bien documenté question navigation à voile, je suppose que tous les termes sont bien choisis car on sent un habitué là.
Deuxième remarque: la tentative de traversée est bien rendue, MAIS, j'aurais aimé qu'elle soit animée par les personnages qu'on ne découvre que bien loin après le début du texte. Et quand je dis "découvre", c'est un bien grand mot! J'ai dû revenir plusieurs fois un peu en arrière pour en compter 6, c'est ça? Et très peu ou pas d'éléments pour s'y attacher. Seul Douglas est bien campé.
Donc globalement une bonne description marine, une soirée mal commencée qui se finit gentiment grâce au rhum et au ti-punch (ah, heureusement qu'il a sauvé la situation celui-là...) et une once de philo là dessus.
Ca ne fait pas un truc extraordinaire mais c'est agréable à lire.
Mon regret est donc ce petit problème sur les personnages "transparents" dont on ne ressent pas du tout les liens entre eux, ça manque un peu d'humanité, voilà. Tu comprends? Peut-être que sur la longueur, en en faisant une nouvelle (ou un roman!) tu t'arrangerais pour construire de quoi les rendre plus consistants, mais là, c'est trop léger à ce niveau.
C'est très bien écrit, un peu académique peut-être? ;-)
Mais merci, c'est plaisant tout de même.
;-)

Tistou 08/12/2005 @ 10:12:50
Très beau, trés touchant Arundhati. Remarquablement écrit, pas d'esbrouffe, ça glisse tout seul, que ce soit dans le vent contraire, la mauvaise humeur de l'échec ou la solidarité qui renoue ses liens dans la veillée. Tu as privilégié les petites choses, les petits détails qui suggèrent une ambiance et un état d'esprit plus que des indications assènées et j'aime bien. Juste relevé 2 incorrections (à la frappe clavier).
Bravo Arundhati.

Barbie.tue.rick 08/12/2005 @ 11:01:48
on sent le marin qui s'exprime, le début de l'histoire (un poil trop narratif peut-être) sonne très juste, même si j'ai été étonnée après coup de constater qu'il y avait des femmes dans l'équipe, je n'imaginais que des hommes, des bretons taciturnes comme ton Douglas.

On est ensuite content de l'imprévu qui les bloque tous ensemble sur cette île, et tu racontes bien la soirée, même si ça m'est apparu un poil trop expédié peut-être. J'aurais aimé moi aussi que tu t'attardes un peu plus sur chacun des personnages !

Enfin c'est quand même un chouette réveillon de marins à la sauce anglo-saxonne ! ;-)

Saint Jean-Baptiste 08/12/2005 @ 12:24:31
Ca c'est un conte, un vrai conte ! Et même un tout petit peu, un conte de Noël !
Mais que c'est bien écrit, que c'est bien écrit !
C'est une découverte ! Je vais aller voir au catalogue si tu avais déjà écrit autre chose !
Vraiment, dit sans complaisance, c'est super ! L'histoire du périple en bateau est nette, précise et bien suivie, sans longueur. Et puis la psychologie des participants est très finement observée ; avec les états d'esprit du groupe quand les choses vont mal et qu'on est fatigué.
Tout ça est évidemment du vécu, ça va sans dire.
J'ai beaucoup aimé cette façon discrète de parler de toi quand tu as parlé de tous les autres ; ça donne l'âme du récit, ça le personnalise, en quelque sorte !
Décidément, ces contes de Noël nous réservent de bien bonnes surprises et ce conte ci, en est une fameuse !

Saint Jean-Baptiste 08/12/2005 @ 12:29:07
Tant que tu y es, Arundhati, si tu complétais ta fiche ? ;-)

Nothingman

avatar 08/12/2005 @ 12:32:59
Très bon texte, original cette veillée de Noël passée à quai! Je n'ai pas spécialement accroché à la première partie en mer, même s'il faut reconnaître l'effort de documenattion. Je me suis un peu senti largué par tous ces termes marins, un peu abscons pour moi il est vrai. J'ai par contre vraiment aimé la deuxième partie et le message de Douglas sur les bonheurs simples et éphémères de la vie. J'ai trouvé ce passage particulièrement bien amené.

Krystelle 08/12/2005 @ 13:47:22
J'ai beaucoup aimé la manière dont on découvre chacun des personnages. Je ne regrette pas que tu ne te sois pas plus attardé à peindre leurs traits de caractères, j'aime bien le flou que tu laisses autour d'eux, ca donne par ailleurs d'autant plus de force aux protagonistes: Douglas et le narrateur.
J'aurais aimé par contre que toute la scène en mer soit d'avantage perçue de manière subjective. Tout est bien décrit mais tu maintiens un peu le lecteur à distance.
Une belle écriture, d'autres l'ont déjà dit, très soignée, peut-être trop?!

Zou 08/12/2005 @ 14:35:10
Lecture un peu laborieuse pour moi au début, non pas à cause du gros temps, mais à cause de tous ces termes techniques propres à la navigation à la voile, qui alourdissent le récit. Ensuite un bol d'air lorsque le récit se focalise sur les personnages mais j'ai trouvé que cela restait un peu trop en surface et je suis restée en dehors. Ceci dit c'est un Noêl pas comme les autres c'est sur ! Et l'écriture est toujours aussi fluide et élégante.

Lincoln 08/12/2005 @ 18:48:05
Étant assez inculte en termes de marine, j’ai craint que tu nous embarques dans un cours de navigation. Que nenni, l’ambiance que tu as réussi à installer a vite pris le dessus et le vocabulaire, même si pas totalement maîtrisé pour moi, est passé sans problème à la lecture. Le seul malaise que j’ai éprouvé est dû à ma sensibilité au mal de mer, et la description m’a presque embarqué dans votre expédition. J’ai regardé par la fenêtre, j’ai vu le jardin, tout s’est arrangé.
Une belle étude de genres enfermés dans une même aventure, servie par une écriture de qualité. J’ai commencé à sentir le lien avec Noël quand tu as dit “nous allions devoir passer le réveillon à Guernesey et cela n'enchantait personne. À part moi peut-être, personne ne m'attendait et au moins j'étais certain de ne pas être seul ce soir-là.” La suite est teintée d’émotion et pour la fin, j’hésite entre douceur et mélancolie…
Très beau texte.

Kicilou 08/12/2005 @ 21:42:19
J'ai beaucoup aimé ce réveillon suite de petits bonheurs simples, faire contre mauvaise fortune bon coeur... Bravo pour les termes de navigation qui m'ont un peu largué (mais j'ai compris à demi mot ce dont il s'aggissait (enfin je crois)) et qui donnaient un côté très réaliste. Douglas est bien campé et émouvant. Les autres personnages, plus effacés font ressortir son caractère à mes yeux, c'est pas plus mal.
Mon seul regret c'est que j'aurais aimé en savoir plus sur le narrateur, savoir pourquoi, lui seul voulais rester.
Mais bravo !

Sahkti
avatar 09/12/2005 @ 11:17:17
La première partie (ce blocage en mer avec toutes les explications) m'a parue très (trop) narrative, avec une question revenant sans cesse: où m'emmène-t-il? Un peu trop long aussi, ça tarde à démarrer, même si cette partie est nécessaire pour poser ambiance et personnage. Je regrette aussi que l'arrivée sur l'île et les préparatifs ne prennent pas plus de place dans le texte, c'était l'occasion d'installer une action et de mettre en scène des personnages.
Sinon, l'écriture est élégante, c'est certain, rien à redire, mais je ne me suis pas vraiment sentie attirée par le texte, je suis restée à l'extérieur, trop de distance.

Mae West 09/12/2005 @ 15:17:57
Arundhati,

Je reste sous le charme, incapable de lever l'ancre. Je ne voulais pas intervenir sur les textes de l'avent, mais là je suis obligée, c'est tellement exceptionnel.

Je n'ai rien à ajouter à ce qui a été dit, sauf les réticences que je ne partage pas du tout :
à mon sens ce texte n'est pas un produit de consommation courante, fait pour plaire, qui raconte très explicitement des états d'âme, et/ou qui narre des circonstances, des évènements, des personnages romancés. Il n'a donc pas à être analysé comme tel.
La narration, simple , fluide et de facture classique, est en phase avec la progression du récit, et c'est de là que naît la force du propos
en fin de compte :
Celui qui parle si peu est celui qui dit *la* chose essentielle à propos du bonheur.

C'est beau comme une messe de requiem :
Cela va du dies irae de la révolte impuissante à l'agnus deï de la résignation réconciliée.
Discrète et omniprésente, la solitude, celle qu'on retrouve toujours au bout du quai, inhérente à la condition humaine, est comme la clé d'ut et de sol de cette pièce d'une grande beauté. Je ne puis m'empêcher également de penser à Victor Hugo, peut-être à cause de la mer, de l'exil à guernesey, de cette enfant chérie qui est morte et dont il va fleurir la tombe au bord de l'océan "demain dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne" ...

(pardon de dire un peu à côté)


*à la question de Kicilou voici ma réponse : l'essentiel est invisible pour les yeux, mais si tu cherches un peu.
relis (ou lis mieux)

Arundhati
avatar 09/12/2005 @ 17:55:42
Merci pour vos commentaires, je partage une bonne partie de vos observations.
Je dois reconnaître que j'ai beaucoup hésité à m'embarquer (!) dans ce texte, surtout en effet à cause des termes de voile, mais je ne savais pas comment en faire l'économie. Sur un bateau, rien qu'avec tous les cordages différents, si on dit "tire la ficelle" on n'est pas sûr d'être satisfait du résultat. Ca peut paraître un peu abscons comme ça, mais ce sont vraiment des mots très usités, même par les plaisanciers occasionnels. Donc en fait je ne me suis pas documenté, c'est du langage courant (sur un bateau, j'entends !).
Les vrais marins (dont je ne suis pas) utilisent un vocabulaire beaucoup plus impénétrable (pour l'anecdote, en mer on ne parle pas de "mouette" mais d'"échandon" qui est le nom scientifique de l'espèce européenne).
Pour me faire pardonner, je vais mettre à la fin les définitions de ces termes de marine que donne le Centre de Yachting de Conflans sur son site très bien fait :
http://permanent.cyconflans.free.fr/glossaire/…
Je ne voulais pas mettre toutes ces définitions avec le texte, j'avais peur que ça fasse un peu "leçon de chose".

Du vécu ? Oui en grande partie, notamment pour la navigation et l'escale à Guernesey (volontaire en réalité).
Peut-être effectivement ne serait-ce qu'à cause de la présence de Victor Hugo, cette île plus que d'autres est symbole d'exil. On s'y sent hors du temps...



Sloop : Gréement à un mât et une seule voile d'avant (contrairement au cotre, qui en a deux ou plusieurs voiles d'avant). Voilier portant ce gréement.

Skipper : Le responsable ou patron d'un bateau de plaisance, celui qui commande à bord.

Bout : (Prononcer « Boute »). Terme générique très large désignant toute espèce de cordage à bord d'un bateau (écoute, drisse, etc.).

Pataras : Hauban situé dans l'axe à l'arrière du voilier soutenant le mât vers l'arrière, pour l'empêcher de tomber vers l'avant. Le réglage du pataras influe sur le cintrage du mât et sur le creux des voiles.

Au près : Désigne l'allure dans laquelle le voilier, toutes voiles bordées, remonte au vent, fait route dans une direction proche de celle d'où vient le vent.

Foc : Voile d'avant de forme triangulaire. Suivant leur taille, les focs les plus courants peuvent notamment s'appeler génois, solent ou tourmentin.

Ris : Dispositif servant à réduire la surface d'une voile par bandes horizontales.

Border : Action de reprendre de l'écoute, de la raidir, pour refermer une voile et la rapprocher de l'axe du bateau. Border plat : border au maximum une voile.

Affaler : Action de descendre une voile, de la faire tomber souvent assez rapidement, en libérant la drisse.

Génois : Foc de grande taille et de forte puissance. Un génois se caractérise un recouvrement assez important, ce qui veut dire que, lorsqu'il est bordé dans l'axe, sa chute dépasse nettement du triangle avant vers l'arrière du mât.

Empanner : Manœuvre de changement d'amure du grand largue au grand largue, en passant par le vent arrière. Lorsque l'on navigue vent arrière, l'empannage peut être involontaire et surprendre le barreur qui ne s'est pas aperçu qu'il était à la fausse panne; l'empannage est alors dangereux, car la bôme passe brutalement d'un bord à l'autre, ce qui peut blesser un membre de l'équipage ou provoquer de la casse ou des embardées

Aussière : Fort cordage, généralement formé de trois ou quatre torons commis ensemble, servant généralement à amarrer un bateau à quai, à un autre bateau ou à un coffre, ou à remorquer un bateau. Syn. : Amarre.

Pare-battage Objet destiné à protéger les flancs du navire de chocs pour l'empêcher de tosser directement contre un quai ou un autre bateau.

Cockpit : Espace ouvert à l'arrière du bateau où se tiennent le barreur et la majeure partie de l'équipage. Syn. Baignoire

Winch Petit cabestan à l'axe de rotation vertical actionné à l'aide d'une manivelle. Démultiplie l'effort pour étarquer, border ou haler plus facilement une manœuvre ou un cordage.

Cat-way : Ponton perpendiculaire à un quai ou à un ponton plus important, le long duquel peut s'amarrer un bateau. Se trouve dans les marinas et ports de plaisance.

Carré : Pièce intérieure d'un bateau où l'on peut se réunir, notamment pour prendre les repas.

Drisse : Cordage ou filin servant à hisser une voile, à la faire monter au mât. S'utilise également pour faire monter un pavillon ou une vergue

Arundhati
avatar 09/12/2005 @ 21:08:02
Erratum : on me signale (à juste titre) que la mouette échandon n'est pas l'espèce européenne mais une espèce exclusivement Champenoise...

Lyra will 10/12/2005 @ 12:18:21
(Encore merci d'avoir bien voulu échanger avec moi :0)

Alors alors, j'ai eu un peu de mal à rentrer dans le texte au départ, trop long, trop de termes spécifiques, ça m'a un peu bloquée.
Par contre, dés que l'histoire commence vraiment, dés que le bâteau s'ancre au port, j'ai vraiment beaucoup aimé. Je me surpends à être partie un peu négative et puis finalement à avoir été hapée par le reste du texte.
J'aime bien tous les détails, les lasagnes faites à partir de rien, les discussions, la bonne ambiance que l'on ressent et visualise trés bien derrière notre écran. Et puis le récit de Hulk (c'est le nom là que j'ai retenu :0) qui m'a plu, qui nous parait étrange parce que surprend tellement les autres qu'il nous surprend aussi. Et puis le malaise qui s'en suit.
Enfin ce texte fait trés réel, vraiment. C'est bien écrit, et il y'a de trés belles phrases. Un peu de mal à rentrer dedans au début, mais finalement j'ai beaucoup aimé ! Trés bien rendu.

Lucien
avatar 19/12/2005 @ 10:23:59
Un conte de Noël? Oui, mais surtout une excellente nouvelle très classique. J'ai vraiment songé à Maupassant (ces réunions d'hommes dont soudain se détache quelqu'un qui raconte une histoire forte, après laquelle ne peut plus intervenir qu'un silence respectueux). Et le charme de ce vocabulaire marin! On a envie de hisser la voile, on se sentirait le pied marin!

Rêve 26/01/2006 @ 20:29:35
Le dieu des petits riens s'en serait-il mêlé pour te faire parvenir autant de critiques dithyrambiques ? Allons alons revenons un peu sur terre, j'espère que tu n'es pas dupe et que tu as su percevoir la naïveté et la crédulité de certaines... Navrant. J'espère que tu sauras davantage te mettre en danger la prochaine fois ? Excuse mon cynisme mais tu me connais...
A+

Mae West 26/01/2006 @ 21:38:25
Le dieu des petits riens s'en serait-il mêlé pour te faire parvenir autant de critiques dithyrambiques ? Allons alons revenons un peu sur terre, j'espère que tu n'es pas dupe et que tu as su percevoir la naïveté et la crédulité de certaines... Navrant. J'espère que tu sauras davantage te mettre en danger la prochaine fois ? Excuse mon cynisme mais tu me connais...
A+


Une critique incongrüe, injuste et et amère qui tombe comme un cheveu sur la soupe, par un pseudo inconnu au bataillon, ça me rappelle des choses ... . Tu serais pas un avater de George Marisa par hasard ?
Mais là, en l'absence officielle de cop/ copines à la némésis latente, qui t'envoie ?

Fee carabine 27/01/2006 @ 16:41:58
Donc voilà, l'avantage des remous laissés par un passage du troll, c'est qu'on redécouvre parfois dans la foulée des textes qu'on avait ratés (et dans le cas présent, c'était dommage :-).)

J'ai eu un peu de mal à embarquer dans la première partie. Comme je ne connais ni les techniques de la navigation à la voile, ni la région de Guernesey, j'ai eu un peu de mal à me représenter la situation. En revanche, je suis tout à fait emballée par la deuxième partie, dès qu'on arrive au port le ton change, tu prends plus de temps pour ne faire partager les sensations et les émotions de tes personnages. Et oui... là, je suis vraiment emballée. Peut-être que tu pourrais retravailler la première partie dans la même veine, et qu'alors, elle fonctionnerait mieux (en tout cas, pour les béotiens dans mon genre ;-).)?

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